Téléphone sportif
Chez moi, le décrochage du téléphone est relativement sportif si on ne se trouve pas à l’endroit adéquat de la maison. Premièrement, mes parents n’ont pas réussi à percer le secret de la messagerie qui consiste à choisir le nombre de sonnerie au bout duquel elle se déclenche. Le téléphone a estimé que quatre sonneries était un bon choix et ne souhaite pas voir changer ce chiffre. Bon… Deuxièmement, la maison est fichouillue de telle façon qu’il y a surtout des couloirs. Troisièmement ma chambre est située au dessus du salon, mais il faut traverser tout la longueur de la maison au rez-de-chaussée pour atteindre l’escalier, et la même chose à l’étage pour atteindre ma chambre.
Je suis dans ma chambre, le téléphone sonne. Votre mission , si vous l’acceptez est d’aller décrocher le combiné et répondre à votre interlocuteur. Première sonnerie. Je percute que le téléphone sonne, teste si j’aurai le temps d’atteindre le combiné pour décrocher avant la quatrième sonnerie, décide que ça vaut le coup, me lève de ma chaise. Mission acceptée. Cours Camomille cours ! Je cours dans le couloir. Je descend les escaliers le plus rapidement possible sans pour autant m’étaler et finir de descendre la tête la première. Dans la première moitié de l’escalier : deuxième sonnerie. Prendre l’angle de l’escalier avec intelligence pour ne pas se scratcher sur le mur d’en face. J’ai essayé de le prendre à l’horizontale, en courant sur le mur extérieur, mais seulement dans mes rêves. Sprint dans le couloir du bas, milieu de couloir : troisième sonnerie. Attention fin de couloir : carrelage, ralentissement fortement conseillé. Là se situe là manœuvre la plus délicate du parcours. En entrant dans le salon, tourner à angle droit sur un tapis pour arriver au téléphone. Deuxième raison du ralentissement : si on continue à vitesse constante, le pied se pose sur le tapis qui lui même glisse sur le carrelage, toit tu continues tout droit, gamelle assurée (j’ai testé, le rétablissement en position verticale n’est pas évident).Arrivée devant le combiné après avoir négocié le virage sans encombre, s’être arrêté une demi seconde avant de décrocher pour reprendre son souffle pour prononcer un « allô ? » correct. Ca évite à l’interlocuteur d’avoir peur en entendant votre voix d’australopithèque, ou de croire qu’il s’est trompé de numéro et qu’il a atterrit chez un club de fumeur invertébré… euh… invétéré.
En partant au bon moment, je n’ai jamais failli à ma mission de décrochage de téléphone.